La responsabilité pour vices cachés affectant un immeuble

La garantie légale du vendeur et ses composantes

Le vendeur est tenu de vendre sa résidence avec la garantie légale, à moins que celle-ci ne soit spécifiquement exclue dans l’acte de vente (ce qui est relativement rare dans le cas de transactions immobilières résidentielles). Cette obligation du vendeur, prévue à l’article 1716 du Code civil du Québec, se compose de la garantie du droit de propriété et de la garantie de qualité.

1) Garantie du droit de propriété

La garantie du droit de propriété ne cause habituellement pas de problème et peut être résumée sommairement comme suit : le vendeur garantit à l’acheteur qu’il est le véritable propriétaire de la résidence, que celle-ci est libre de tous droits (notamment, libre d’hypothèque), que la résidence ne fait pas l’objet d’un empiètement et qu’elle respecte les limitations de droit public.

2) La garantie du droit de qualité et les conditions du vice caché

En ce qui concerne la garantie de qualité du vendeur, l’article 1726 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

« Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus. Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »

Invoquant la garantie de qualité du vendeur, l’acheteur pourra obtenir de ce dernier une réduction du prix de vente s’il est en mesure de démontrer, selon une preuve prépondérante, l’existence des quatre éléments suivants :

  • 1) le vice est caché;
  • 2) le vice est antérieur à la vente;
  • 3) le vice lui était inconnu au moment de l’achat;
  • 4) le vice est grave : s’il l’avait connu, il n’aurait pas acheté ou n’aurait pas payé si haut prix pour la résidence.

La diminution du prix de vente et les facteurs à considérer dans son évaluation

Une fois la preuve de ces éléments faite, l’acheteur devra faire la preuve du montant auquel il a droit à titre de compensation. Celle-ci prendra la forme d’une diminution du prix de vente et pourra, selon le cas, être accompagné d’une réclamation en dommages et intérêts.  Afin de déterminer le montant de la diminution du prix de vente à laquelle l’acheteur a droit, le tribunal considérera principalement le coût des travaux correctifs requis, le caractère raisonnable de ces travaux ainsi que la durée de vie utile des éléments de l’immeuble. D’autres facteurs peuvent aussi entrer en ligne de compte, selon les circonstances.  La diminution du prix de vente accordée par le tribunal prendra la forme d’une condamnation du vendeur à verser à l’acheteur une somme d’argent. Celle-ci peut correspondre aux coûts des travaux correctifs requis, mais cela ne sera pas automatiquement le cas. Notamment, le tribunal pourra juger opportun de déduire un pourcentage du coût des travaux afin de tenir compte de l’usure des éléments de l’immeuble (entraînant ainsi leur dépréciation) et de la plus-value engendrée par les travaux correctifs.

La demande d’annulation de la vente en cas de vice grave

Par ailleurs, si le vice est suffisamment grave, l’acheteur pourra plutôt opter pour l’annulation de la vente de l’immeuble et demander la remise en état des parties.  Soulignons toutefois qu’une telle demande est moins fréquente depuis plusieurs années, compte tenu, notamment, de la vigueur du marché immobilier et de la tendance haussière du prix des immeubles.  Cette réalité rend la remise en état des parties moins attrayante et plus compliquée pour l’acheteur.

La connaissance du vice par le vendeur et ses conséquences

Si le vendeur connaissait le vice caché et ne l’a pas dénoncé à l’acheteur, il peut aussi être condamné à verser des dommages-intérêts, tel que le prévoit l’article 1728 du Code civil du Québec :

« Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l’acheteur. »

À moins de vente par un vendeur professionnel, cette connaissance du vice doit, être mise en preuve, par prépondérance de preuve, par l’acheteur. contrairement à l’entrepreneur en construction, la connaissance du vice par l’auto constructeur n’est pas présumée.

En effet, en 2018, la Par ailleurs, soulignons que si l’auto constructeur a confié des travaux spécialisés à un sous-traitant et que ces travaux sont à l’origine du vice, il disposera d’un recours en garantie contre son sous-traitant.

Ainsi, à moins qu’une preuve soit faite de circonstances très particulières permettant de qualifier l’auto constructeur de vendeur professionnel, celui-ci n’est pas, en principe, assimilé à un vendeur professionnel au sens du Code civil du Québec et il échappe ainsi à la présomption de connaissance prévue à l’article 1729 du Code civil du Québec en cas de vente par un vendeur professionnel :

« En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur. »

 

La présomption de connaissance du vice par le vendeur professionnel est donc lourde de conséquences puisque, dans un tel cas, en plus de subir une diminution du prix de vente, le vendeur devra aussi verser des dommages-intérêts à l’acheteur.

Les dommages-intérêts réclamés par l’acheteur

Les dommages les plus couramment réclamés dans un tel contexte découlent des troubles, ennuis et inconvénients subis, de la perte de valeur de l’immeuble ou de la perte de jouissance de la résidence (par exemple, si une partie de l’immeuble n’a pu être utilisée pendant un certain temps en raison du vice l’affectant).  De plus, si les vices cachés ont entraîné des troubles de santé chez l’acheteur (cela pourrait arriver, entre autres, si des moisissures affectent l’immeuble), une compensation monétaire pourra aussi être réclamée à ce titre. Des dommages moraux peuvent aussi être réclamés, si les circonstances le justifient.

Les dommages-intérêts réclamés varieront évidemment selon les circonstances propres à chaque cas. Évidemment, l’acheteur doit faire la preuve de ses dommages pour que le tribunal y fasse droit. Toutefois, il est plutôt rare que le tribunal n’accorde aucun dommage à l’acheteur dans les cas où le vendeur connaissait les vices cachés ou ne pouvait les ignorer.

Le délai pour intenter un recours en cas de vice caché et l’avis de dénonciation requis

Le délai pour intenter une action en diminution du prix de vente ou en annulation de la vente en raison de vices cachés est de trois (3) ans de la découverte du vice ou, si le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et son étendue. Par contre, l’acheteur qui découvre un vice caché doit agir rapidement afin de dénoncer par écrit ce vice au vendeur. À ce sujet, l’article 1739 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :

« L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive de l’acheteur s’il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice. »

Ce délai raisonnable correspond à une période variant de 3 à 6 mois de la découverte du vice et ne peut habituellement pas excéder un délai de 6 mois. Par cet avis, l’acheteur doit permettre au vendeur de constater le vice et d’effectuer les travaux correctifs requis. Exceptionnellement, il peut y avoir dérogation à cette règle si les travaux doivent être effectués d’urgence. Toutefois, même dans un tel cas, un préavis, même s’il est court, demeure préférable avant d’effectuer les travaux. L’envoi d’un avis de dénonciation du vice dans les mois suivants sa découverte est donc une condition essentielle à l’exercice du recours de l’acheteur. Il y a cependant exception à ce principe lorsque le vendeur connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer, ce qui est le cas si le vendeur peut être qualifié de vendeur professionnel. Dans un tel cas, la tardivité de l’avis ne sera pas fatal à l’acheteur. Il pourrait également y avoir une exception s’il était mis en preuve que l’acheteur a reçu un avis verbal et, suite à cet avis, s’est rendu sur les lieux pour constater le vice allégué.  Cela demeure toutefois une question de preuve.  En définitive, la prudence demeure de mise et l’avis de dénonciation devrait être fait dans les délais et par écrit.

N’hésitez pas à nous consulter pour en apprendre davantage au sujet des vices cachés et obtenir des conseils à ce sujet. 

Me Anne-Marie Jutras, avocate, médiatrice et arbitre accréditée

JUTRAS AVOCATS INC.
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